jeudi 29 janvier 2009

Electronique grand public : hausse en volumes, baisse en valeur sur 2008

Sur le marché des ventes en entreprise, la baisse des ventes s'est manifestée au mois de novembre dernier, partout dans le monde. Pour le grand public, cette baisse est plus ancienne et plus forte en France, selon le cabinet GFK qui se livre à une analyse en profondeur.

Chaque début d'année, le cabinet GFK publie une étude dressant un bilan de l'année précédente en matière de vente de produits grand public (*). Ce mois de janvier n'échappe pas à la tradition, mais cette fois l'étude parle d'un virage historique. Après dix années de hausse continue, le marché a baissé en valeur de 3% en 2008.

Cette conclusion est d'autant plus forte que la baisse a commencé en février 2008, donc avant que la crise économique ne fasse sentir ses effets sur la fin de l'année. Deux mois seulement sont en croissance : janvier et avril. Les dix autres mois de 2008 sont en rouge. Mars, août et octobre de - 7%. Septembre et novembre de - 6%. Les autres à -3 ou -4%. Le 4ème trimestre n'offre pas de baisse particulière, contrairement au marché professionnel qui subit en octobre et surtout novembre une forte décélération.

Au global, ce marché représente selon GFK 19,5 milliards d'euros, en France, en 2008. Il était à 20,1 en 2007, 18,5 en 2006, 16,8 en 2005. La croissance continue, en valeurs, est donc cassée. Bien sûr, il s'agit de chiffres généraux, par produits la tendance est parfois différente. Parfois seulement. Sur 2008, seuls les jeux (le « gaming » en langage GFK) tirent leur épingle du jeu avec une croissance en valeur de 19%. Mais il ne représente que 8% du marché. Tout le reste est en berne.

Les produits EGP (TV, DVD, hifi, baladeurs ) chutent de 6% en valeur (ils représentent 38% du marché global) et de 7% en volume. Les produits IT (PC fixes, portables, netbooks) fléchissent de 5% en valeur (à 34% du marché) mais progressent de 15% en volume. La photo et les télécoms baissent de 2% chacun en valeur, ils représentent respectivement 9 et 12% du marché. La photo progresse de 3% en volume, les télécoms, d'un petit pourcent.

« Ces chiffres de GFK ? Nous ressentons complètement la baisse observée, remarque Laurent Amsellem du magasin CompuCity de Marignane. Elle est générale, mais une niche reste protégée : le jeu vidéo. Les joueurs sont en effet dépendants et prêts à toutes les concessions pour conserver leur jeu. Un produit comme le disque dur externe peut également sauver sa tête. En revanche, tout ce qui est mémoires ou accessoires est nettement à la baisse."

La guerre des prix, phénomène de l'année 2008

La guerre des prix, phénomène de l'année 2008
Comment expliquer l'écart entre la progression en volumes et la baisse en valeur ? « Pour nous, c'est la guerre des prix qui est le facteur principal » assène Olivier Malandra, directeur de la division électronique grand public chez GFK. Globalement, le marché a progressé de 3% au total en volume et baissé de 3% en valeur sur l'année 2008. Cette décorrélation est significative. Puisque les gens s'équipent et achètent, ce n'est pas un problème de demande, c'est bien un problème de prix.

« C'est même la fin d'un modèle économique basé sur les volumes » souligne François Klipfel directeur général adjoint de GFK France. « Un exemple : un notebook ou un netbook baissait en prix et en moyenne de 80 à 100 euros chaque année, ces dernières années. En 2008, la baisse s'est élevée à 200 euros en moyenne. En un an, le marché a donc enregistré une baisse des prix équivalente à celle de deux années précédentes.»

"Certes, cette baisse des prix affecte notre marché, mais elle rend aussi certains produits plus accessibles au consommateur commente Jérôme Ulric, directeur général de Pixamania . Je pense à l'appareil photo numérique. Vous trouvez maintenant un 10 megapixel pour 200 euros, c'est vraiment très accessible. La baisse des prix fait diminuer le panier moyen, les gens se portent de moins en moins vers le haut de gamme. Résultat : nous enregistrons une baisse de 10 à 15% du panier moyen, mais les commandes augmentent de 30 à 35%."

Derrière cette guerre des prix, GFK repère d'autres phénomènes de fond. La concentration des marques, par exemple. Dans l'électronique grand public, le top ten des marques représente 60% du marché. Et comme le nombre de marques a aussi tendance à augmenter la guerre des prix ne peut que s'enflamer.

Les bilans financiers 2008, en cours de rédaction ou de publication vont s'en ressentir chez les revendeurs. Sans parler du « rating » des revendeurs par leurs fournisseurs et leurs organismes de crédit qui sera affecté C'est une conséquence de la guerre des prix. Conséquence qui pourrait affecter directement les entreprises du chanel. GFK observe qu'en France la distribution traditionnelle, revendeurs de proximité ou grandes surfaces spécialisées résiste mieux qu'en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Pour le moment. Traduction : épargnée en 2008, la distribution française dans le grand public devrait souffrir en 2009.

A nouveau consommateur, nouveau vendeur

A nouveau consommateur, nouveau vendeur
Mais GFK a également repéré une modification forte de la demande et du comportement des consommateurs. La baisse du pouvoir d'achat le rend plus sélectif, lui fait dédaigner le haut de gamme. « Les gens ne peuvent plus se permettre de dépenser la même chose sur des PC ou des cartes graphiques. Ils comparent et raisonnent à une dizaine d'euros près » note Olivier Malandra. GFK parle d'arbitrages financiers du consommateur.

L'arbitrage se fait également entre produits qui se cannibalisent. Le baladeur MP3, largement répandu, est ainsi concurrencé par la fonction MP3 du téléphone portable. Concurrencé en apparence. Car les possesseurs d'un téléphone portable avec fonction MP3 ne sont que 57% à utiliser cette fonction. La même question peut se poser sur les téléphones avec fonction GPS, 55% seulement l'utilisent. Les autres préfèrent le produit mono-fonction.

S'il est de plus en plus informé et prudent dans ses dépenses, le consommateur pourrait être aussi de plus en plus déboussolé. S'ils veulent se déplacer, vont-ils utiliser le MP3 ou le téléphone qui fait fonction de MP3, le DVD Blu-ray ou la console de jeu ? « Le consommateur est perdu parmi les choix proposés. Et la tendance ne risque pas de s'essouffler. La télévision assure par exemple avec des widgets de nouvelles fonctionnalités comme l'accès à Internet.

Pire que 2008, il y aura 2009
Conséquence selon GFK, pour retrouver une dynamique de croissance, la distribution est obligée de former ses équipes aux nouvelles attentes des consommateurs. Elle peut également tabler sur des relais de croissance : les accessoires en augmentation sur tous les univers ou presque, ou les appareils photo reflex numériques.

Autre possibilité : miser sur des services. « Si le client vient pour le prix, il revient pour autre chose" nous explique Dominique Theisgen, directeur du réseau CompuCity. "C'est une règle fondamentale qui concerne tout le marché. Les offres promotionnelles sont une chose, mais le client ne revient que s'il a trouvé un bon accueil et s'il est certain de la qualité de service. »

De quoi remonter le moral des distributeurs ? Pour 2009, GFK leur prévoit en effet une amplification de la baisse en valeur déjà observée en 2008 et annonce 9% de baisse.

(*) GFK définit le « Total consumer electronique » : TV vidéo son / navigation / impression et stockage / photos numériques et cadres numériques / Télécoms (mobiles et smartphones)

>>Toutes les actualités de la rubrique Economie<<

International : la France se distingue à la baisse

Avec ses 3% de baisse en 2008, la France se distingue. Par comparaison, GFK montre que la Grande-Bretagne reste en positif de même que l'Allemagne. En revanche, l'Europe du sud pique du nez, l'Italie et surtout l'Espagne, victime d'une forte récession économique font pire que la France. Bref, les chiffres sont contrastés. Au plan mondial, le marché a progressé de 13,7% à 694 milliards de dollars. L'Amérique du nord et l'Europe du sud fléchissent, alors que la Russie et le Brésil sont au top.

Mais le sujet peut aussi s'observer sous un angle plus optimiste. C'est le raisonnement de Jérôme Ulric, directeur général de Pixmania : « Sur l'EGP, seules 5% des commandes passent par Internet en France, contre 10 à 15% en Grande-Bretagne. Il nous reste donc une très belle marge de progression dans l'hexagone. »
Didier Barathon